Antibal I

Publié le par Damo

    Je suis sorti de l'hopital en avance.
En fait, je n'étais pas malade. Enfin c'est le médecin qui me l'a dit, moi je le crois.
Il en quand même profité pour renouveler mes prescriptions de pilules rouges
quand il a vu que je n'en avais pas sur moi (oui maintenant à l'hôpital ils fouillent
obligatoirement les affaires que tu as laissées).
Quand je suis sorti le soleil brillait à son habitude, très haut dans le ciel, en faisant
mal aux yeux. J'ai mis ces lunettes de soleil qui m'ont coûté une fortune.
J'ai l'impression de faire un bonne action à chaque fois que je les chausse du coup,
comme si je rentabilisais un mobil-home.

Je me suis dirigé sur le parking en regrettant de ne pas avoir réussi à me faire admettre
pour au moins une semaine à l'hôpital, j'aurais peut être pu récupérer un peu de
sommeil. Mais non, je suis indécrottablement en forme. En marchant sur le parking, j'ai vu un
junkie aux pilules assis sur le trottoir qui tendait tristement la main.
Comme je suis sans-coeur je lui ai donné toutes celles que le médecin venait de me fourguer.
Il m'a regardé comme si j'étais le messie de je ne sais pas trop quelle religion.
Après tout, peut être. Tant que c'est pas pour les méthodistes ou les pentecôtistes,
ça me dérange pas. Je comprends rien à ceux-là, même les amishs sont plus simples.
A tout prendre je préfèrerais inca ou aztèque, ça a plus de classe.
Remarque en soirée prétendre être un messie avec un pagne en plumes de perroquet
ça le fait moyen.

Je suis monté dans la voiture et je suis parti. A cause de ce damné soleil qui ne veut plus s'arrêter
de brûler, mes sièges étaient moites et collants comme une fille pleine de crème solaire.
Parfois je me dit que je vais mettre des housses, ou des serviettes de toilette.
Moi je m'en foutrais, mais je ne peux pas m'empêcher de penser au standing.
D'ailleurs quand j'étais au feu rouge avec tout un tas d'autres bagnoles, y'a un type à
côté de moi qui m'a fait tout un tas de signe genre j'ai reconnu la voiture, tout ça,
j'ai vu tous les films je suis trop fan. Je l'ai ignoré plus ou moins ostensiblement en prenant
l'air du gars à qui on la fait à tous les carrefours, mais j'y arrive pas trop, vu que je m'en fous.
Et à tout prendre, je suis un peu fier, même si mon père est mort depuis un petit peu trop
longtemps pour que je puisse partager cette fierté.

Je ne savais pas trop où aller du coup, étant donné que l'hôpital ne voulait pas de moi.
En traversant la ville, avec aucun autre but que d'en sortir, j'ai vu un de ces mecs horribles
dont on parle en ce moment, ceux qui planquent un miroir sur eux pour les brandir devant
n'importe qui qu'ils croisent qui aie l'air un tant soit peu tendu. Un type qui devait avoir la vingtaine, mais
salement amoché par la maladie avec tous les symptômes de peau dégueulasses. Fringué n'importe
comment, ça m'étonnerait pas qu'il aie tout piqué dans un dispensaire avant de s'en tirer.
Bref il s'est planté devant une pauvre femme qui tremblait un peu, en sueur, l'air visiblement d'avoir du retard sur sa dernière prise, et il a ouvert violemment son manteau. Dessous il s'était accroché un miroir sur le torse, efficace le truc. La pauvre femme a rien eu le temps de comprendre, elle s'est vue.
Elle a hurlé comme une sirène de pompier, avec un hululement à vomir, je la comprends.
Elle avait pas dû se regarder depuis 12 ans.
J'ai vaguement caressé l'idée de faire une embardée pour rouler sur ce mec au miroir,
je pense que personne m'en aurait voulu, mais bon, il devait avoir le cerveau complètement
rongé, j'ai eu pitié. Et puis avec cette voiture, ça l'aurait foutu mal.

J'ai continué tout droit, puis je suis sorti de la ville. Y'a rien dans le coin à part le désert quand on sort,
et ça m'a fait un bien fou, j'ai pas regretté de pas être resté à l'hôpital finalement.
J'ai pris la 1077 en direction de la Mer Fumante, je me suis dit que ça devait être joli en ce moment.

Publié dans Antibal

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H
je dis pas ça pour faire de la lèche (nonobstant que je suis fort réjoui de voir non pas une mais deux mise à jour depuis mon dernier passage) mais il se dégage de cette histoire un je-ne-sais qui rappelle l'"automne à Pékin" mais raconté par William Burroughs
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F
et c'est quand qu'on a le reste du roman qui va autour ?
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D
K2000 ?ps : sinon j'aime bcp ! 
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G
Ce matin, le labrador invisible a encore laissé des poils<br /> sur le plancher. Je l'ai entendu cette nuit, il chantait et ça ressemblait à du<br /> Nahuatl, à croire que lui aussi s'est mis à la religion aztèque. Je me demande<br /> simplement où il met les plumes.
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C
alors là j'ai beau lire et relire, je ne vois aucun ciblage vers le public restreint...et vous ?
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